Extrait du Catalogue des diplômés 2016, Beaux Arts de Paris les éditions


"C’est comme si nature et culture se disputaient une énième partie à travers le travail de Morgane Porcheron. Héritière de l’Arte Povera et du Land Art, l’artiste en véritable archéologue du temps présent convoque des matériaux bruts dont Mère Nature dicte les couleurs dans son travail. La terre y tient la première place, mais aussi le bois, le plâtre, et les métaux tels que le bronze ou l’acier. Ainsi, des rouleaux en terre cuite nous montrent côté pile, le travail de la main, côté face, celui de la nature. « Fragment réhaussé » ou « Empilements » sèment même le doute dans nos esprits. Où est la part de l’homme dans ce morceau de pierre calcaire sculpté à la manière d’une empreinte trouvée dans la nature ? Quant aux trois dalles empilées, on ne saurait dire laquelle est issue d’un chantier, de l’usine ou fait main. Morgane Porcheron confronte le travail de la nature aux matériaux et formes issus de l’industrie ou de l’artisanat jusqu’à créer des ambiguïtés. Les trois éléments de « Passages » représentent des moulages de plâtre faits à partir de différents sols récoltés dans l’environnement : l’un est craquelé par la sècheresse, l’autre traversé par des traces de roues et le dernier parsemé de débris de carrelage. Quant à la sculpture vivante intitulée « Fêlures » qui voit des fragiles plants de fève percer la terre avec force, elle nous met face à nature toute-puissante.
Ses dispositifs s’élaborent même au fil du temps jusqu’à se compliquer. Ainsi les coffrages triangulaires de ses sculptures deviennent elles-même des oeuvres dans lesquelles ont pourrait s’embarquer pour un voyage. Les empreintes de moulages des fonderies de bronze s’allient aux tiges d’acier d’une sculpture quadrillée. Les briques s’emboîtent sur la structure où elles semblent sécher. Car c’est de la « technè » grecque, au sens philosophique du terme dont il s’agit chaque fois chez Morgane Porcheron, c’est-à-dire la production matérielle en son entier, qu’elle soit naturelle, manuelle ou industrielle. Un retour aux origines d’une certaine manière."

Anaïd Demir